Des étudiants du Master 2 ILTS participent à l'effort de traduction des résumés Cochrane

Depuis 2016, des apprenants en traduction participent à l’effort de traduction des résumés Cochrane dans le cadre d’une collaboration avec le Master 2 ILTS (Industries des langues et traduction spécialisée) de l’Université Paris Diderot. L'année dernière, ce sont 14 étudiants de l’option ‘traduction spécialisée’ de ce Master professionnel qui se sont initiés à la post-édition de traduction automatique en langue de spécialité médicale sous la direction de leur enseignante, Hanna Martikainen, également bénévole auprès de Cochrane. Dans ce billet, les apprenants partagent leur expérience de la traduction des résumés Cochrane.

Alice, Yann et Joseph nous présentent le Master dont ils sont issus.

Le master ILTS nous forme aux différents métiers de la traduction : traducteur, réviseur, chef de projet, terminologue… La particularité de ce diplôme est qu’il s’effectue en alternance. Cela nous permet de mettre en pratique les connaissances apprises en cours et d’avoir un pied dans la vie active. Le régime de l’alternance est le suivant : 1 semaine à l’université, 1 semaine en entreprise. Les étudiants choisissent la ou les langues qu’ils souhaitent approfondir : anglais, espagnol ou allemand.

Le parcours traduction spécialisée (TS) met l’accent sur le métier de traducteur lui-même, plutôt que sur les métiers de l’industrie de la langue (IL), qui porte davantage sur l'utilisation des outils informatiques en ingénierie linguistique. C’est pourquoi une grande partie des cours sont consacrés à la traduction dans différents domaines de spécialité. Cette approche est importante car le fait de se spécialiser permet de se démarquer dans un marché de plus en plus compétitif.

Le contenu de la formation est très riche. Nous avons des cours de traduction économique, financière, scientifique, médicale, juridique, mais également des cours de traduction de jeux vidéo et de sites web (localisation). En outre, nous avons pu suivre des cours de révision, de terminologie, de recherche documentaire, d’expression française, de théorie de la traduction, de post-édition, de TAO (Traduction Assistée par Ordinateur), ou encore de gestion de projet (fonctionnement d’une agence de traduction). La majorité de nos professeurs sont des professionnels du secteur, qui nous donnent un aperçu de la réalité du marché de la traduction. Ces retours d’expériences ont été enrichis par l’intervention d’autres professionnels, qui nous ont fait part de leur quotidien en tant que traducteur.

Les étudiants en spécialité TS se destinent principalement à devenir traducteurs. Nous voulons pour la plupart travailler en indépendant pour des clients directs ou pour des agences de traduction. Ceux-là travailleront alors à leur domicile ou dans un espace de cotravail. Certains d’entre nous veulent également travailler en entreprise. Ils travailleront comme traducteurs pour le compte d’une entreprise et auront le statut d’employé. Nous avons également une future cheffe de projet, qui coordonnera tous les traducteurs d’un projet de traduction, et fera le lien avec les clients.

Saskia, Soraya, Yuxuan et Florence discutent des particularités de la traduction médicale.

La traduction médicale a vocation à mettre à disposition des documents médicaux, par exemple des articles de recherche sur des études cliniques, dans plusieurs langues à destination des spécialistes ou du grand public. Aujourd’hui, dans un contexte d’internationalisation croissante et de partage des savoirs scientifiques, l’anglais s’est imposé comme la langue de référence dans le domaine de la recherche. La traduction médicale est donc nécessaire pour que les professionnels de pays non-anglophones puissent comprendre ces études et leurs résultats.

Cette langue de spécialité demande une maîtrise parfaite de la terminologie car il faut à tout prix éviter les faux sens. Cela implique donc de faire des recherches approfondies sur le sujet médical traité. Afin d’éviter les erreurs de compréhension, il est essentiel de traduire exactement les informations. En effet, la moindre erreur de traduction peut avoir des conséquences graves dans ce domaine. Ainsi, la traduction médicale exige une rigueur particulière car la santé des patients est en jeu et il existe des risques de poursuites judiciaires. Par ailleurs, la discrétion est nécessaire pour respecter le secret médical et industriel.

La traduction médicale nécessite donc un contrôle qualité très important. En effet, les documents sont divers et composés d’un langage très spécifique. Les traductions doivent être irréprochables puisque l’exactitude est un élément phare du domaine médical. Comme le but est généralement essentiellement informatif, le style est souvent secondaire dans ce genre de publications. La technologie a permis une grande avancée dans la traduction médicale. Grâce aux logiciels, le travail des traducteurs peut être harmonisé. En effet, le domaine médical évolue en permanence. La mise à jour des bases de données terminologiques et la traduction automatique permettent un meilleur suivi des évolutions de la langue de spécialité.

Paola, Nicolas et Lucie M. abordent l’utilisation de la traduction automatique en langue de spécialité médicale.

Pour traduire les résumés de revue Cochrane, nous avons eu recours à la traduction automatique. Son principal avantage est le gain de temps, mais pour qu’elle soit vraiment efficace, il faut un moteur adapté. Nous avons utilisé le moteur interne de Cochrane, créé spécialement pour la traduction de ces résumés à partir d’un modèle européen (Moses), entraîné sur un corpus de résumés Cochrane traduits par le processus classique et perfectionné grâce à une trentaine de textes post-édités et corrigés. Ce moteur permet d’obtenir une traduction avec une terminologie assez fiable qui demande moins de recherches terminologiques.

La traduction automatique est particulièrement adaptée à ce genre de textes, car ils sont généralement structurés de la même façon. On retrouve souvent des phrases similaires, voire des répétitions (par exemple : ’The authors searched databases’ > ‘Les auteurs ont recherché dans des bases de données’).

Cependant, la traduction automatique a ses limites. Le moteur Cochrane se base sur des statistiques : il recherche dans sa mémoire la traduction la plus fréquente correspondant au segment à traduire. Il lui arrive donc de faire des erreurs, notamment de phraséologie ou d’accord, et des incohérences :

The results of the three trials were initially conflicting because they differed in how they measured carotid stenosis and how they defined the outcomes.
Les résultats des trois essais ont été initialement contradictoires car elles différaient dans la manière dont elles mesuraient la sténose carotidienne et la manière dont elles défini les critères de jugement.

En plus de l’erreur d’accord (‘défini’), le moteur a traduit ici le pronom ‘they’ par le féminin (‘elles’) car, statistiquement, ce pronom renvoie plus souvent dans le corpus d’apprentissage à des structures similaires dont le sujet est féminin (‘étude’ et non ‘essai’).

Selon le domaine et le type de texte, la traduction automatique peut être utile mais ne remplace pas la traduction humaine. C’est pourquoi il est indispensable de passer par une étape de post-édition.

Marie, Paul, Margaux et Lucie D. nous expliquent en quoi consiste la post-édition.

La post-édition, c’est quoi ?
La post-édition consiste à relire et corriger une traduction générée par un logiciel de traduction automatique.
La post-édition est surtout utilisée pour la traduction technique mais très peu utile pour la traduction littéraire. En effet, le plus important en post-édition, c’est de s’assurer que la traduction est compréhensible sans porter trop d’attention au style. Son avantage est de gagner en productivité ; ainsi, rien ne sert de passer trop de temps sur les détails.

La post-édition, vous en pensez quoi ?
Les avis sont partagés. C’est un outil pratique qui permet effectivement de gagner du temps lorsque le traducteur automatique est efficace. Les logiciels de traduction automatique étant de plus en plus performants, la post-édition permet de les mettre à profit afin de gagner en productivité.
Néanmoins, le résultat n’est pas toujours satisfaisant selon les outils, et la retraduction est parfois la meilleure option. En revanche, si l’outil est performant et adapté à la langue de spécialité, il constitue une aide non négligeable.
Il peut parfois être fastidieux de post-éditer, car il faut porter une attention double : à la fois sur le texte source et le texte cible. Le post-éditeur·ice peut parfois être induit en erreur par un texte en apparence cohérent.

La post-édition, quel avenir ?
Avec l’évolution technologique, le métier de traducteur·ice est fortement transformé.
Dans ce contexte, la formation à la post-édition est indispensable pour préparer les traducteurs·ices à un monde du travail en constante évolution.

Quelques conseils pour bien post-éditer
•    s’assurer que le texte cible correspond au texte source
•    ne pas s’attarder sur le style
•    vérifier la terminologie des mots-clés

Vous pouvez accéder ici aux résumés traduits par les étudiants depuis le début du projet :
https://www.cochrane.org/fr/search/site/M2%20ILTS

Le projet de post-édition a été renouvelé pour l’année 2018-2019 à l’Université Paris Diderot, avec une évolution de taille. En effet, les apprenants ont désormais l’opportunité de travailler, dans le cadre de ce cours, sur un moteur de traduction automatique de la nouvelle génération, nommé DeepL, qui fait appel à l’apprentissage automatique par les réseaux de neurones. Nul doute que la traduction neuronale apportera de nouveaux défis passionnants aux apprenants post-éditeurs !